L'intérim fait peau neuve
Croissance et tertiarisation sont les deux tendances qui se confirment : « Votre mission, si toutefois vous l’acceptez… » l’histoire commence toujours ainsi, mais loin des scénarios impossibles de la célèbre série, les missions dont nous allons parler ont fait travailler près de 603 000 salariés à temps plein en 2006.
En progression constante depuis 4 ans, le marché de l’intérim a connu une croissance de 3,2 % en 2007, selon les chiffres du Prisme et du Crédoc. En 2006, le nombre d’intérimaires a même atteint son plus haut niveau depuis 2000. Les agences ont ainsi proposé 16 millions de missions à 2 millions de personnes. Forte de 45,5 % d’intérimaires, l’industrie est le principal recruteur, viennent ensuite le secteur tertiaire (32,9 %) et le BTP (21 %). Mais la situation pourrait évoluer dans les années à venir. « La tendance de fond est à la tertiarisation de l’emploi intérimaire, explique Sébastien Archi, responsable du service économique du Prisme, le secteur des services recrute de plus en plus ». C’est en tenant compte de cette mutation que le Crédoc estime le nombre d’intérimaires entre 704 000 et 785 000 à l’horizon 2015.
Intérimaire rime-t-il forcément avec précaire ?
En matière de droits et de protection sociale, des solutions ont été trouvées pour compenser la discontinuité des missions. « C’est le prix de la flexibilité, commente Sébastien Archi. Pour fidéliser leurs intérimaires, les groupes ont tout intérêt à leur offrir de bonnes conditions, celles-ci les aideront à sécuriser leur carrière. » En effet, les droits des intérimaires sont stables : ils ne dépendent pas des droits sociaux de la société pour laquelle ils travaillent, mais de ceux applicables au niveau de la branche professionnelle de l’intérim. De plus, ces droits - gérés par des organismes paritaires - sont transférables, autrement dit, l’intérimaire les cumule d’un contrat à l’autre et d’une entreprise de travail temporaire à l’autre. Formation, retraite, protection sociale, accès au crédit ou au logement… « Grâce aux nombreux services mis en place pour les aider, les intérimaires n’ont plus rien à envier aux salariés en CDD ou en CDI », affirme Sébastien Archi. Même au niveau salaire ? Un intérimaire est rémunéré en fonction de la grille des salaires de l’entreprise où il effectue sa mission, il ne gagnera donc jamais moins que la personne qu’il remplace, au contraire ! A chaque fin de mission, il touche une majoration de 21 % grâce à la prime de fin de contrat et aux congés payés. C’est une des raisons pour lesquelles près de 20 % des intérimaires choisissent volontairement ce statut. Séduits par la flexibilité et le choix des missions, certains ont adopté ce mode de vie.
Insertion ou réinsertion, l’intérim comme tremplin vers l’emploi
Pour beaucoup de jeunes diplômés, décrocher son premier job ressemble au parcours du combattant. « Pas assez d’expérience » se voient-ils répondre par les recruteurs. Débuter par l’intérim peut leur faciliter l’accès à l’emploi et se révéler une stratégie gagnante. Sébastien Ely, 31 ans et aujourd’hui responsable d’exploitation dans une entreprise de transport logistique, le confirme : « tous les salariés qui ont été embauchés dans mon service sont arrivés en intérim ». A commencer par lui. Après un BTS comptabilité gestion, et quelques expériences professionnelles infructueuses, il a eu envie de changer de voie. « Je ne savais pas où aller, confie-t-il, l’intérim m’a permis de découvrir rapidement différents métiers en cumulant les petites missions. J’ai accepté un contrat d’un jour comme manutentionnaire pour dépanner Adecco, et j’y suis depuis 8 ans ! ». En 2006, les moins de 25 ans totalisaient 31,4 % de l’emploi intérimaire soit près de 190 000 jeunes en emplois équivalents temps plein. 60 % d’entre eux n’avaient aucune expérience professionnelle significative au moment de leur entrée dans l’intérim. Certaines agences, comme Adia, ont même mis en place des partenariats spécifiques avec l'Anpe afin d'aider les jeunes en difficulté à s'intégrer dans la vie active.
Autre population pour qui l’intérim peut être une opportunité : les chômeurs de moyenne et longue durée. Congé individuel de formation, bilan de compétences, validation des acquis de l’expérience… 200 000 actions de formation sont menées chaque année pour accélérer leur retour à l’emploi. Ainsi, Manpower a signé une charte avec le Ministère de l'emploi pour faciliter la validation des acquis de l'expérience
Y a-t-il encore un intérimaire type ?
S’il fallait dresser le portrait-robot de l’intérimaire type, il ressemblerait encore à un homme de moins de 30 ans, ouvrier dans l’industrie… Mais peut-être plus pour très longtemps. Profils de plus en plus qualifiés, cadres, seniors : le public qui pousse la porte des agences est en pleine mutation. Les ouvriers qualifiés ont même pris le pas, pour la première fois en 2006, sur les ouvriers non qualifiés. Mais on remarque surtout deux populations en forte progression : les cadres et les seniors. Ainsi, en 10 ans, le nombre de cadres intérimaires a été multiplié par dix. Preuve d’un vrai phénomène de fond, la plupart des groupes de travail temporaire ont ouvert leur filiale spécialisée pour les cadres. Ainsi, début 2008, le groupe Adecco a lancé Adecco Experts, un réseau de recrutement permanent et temporaire dédié au "middle management" (cadres et experts). « Nous voulons rafraîchir le mode de recrutement classique, explique Christophe Catoir, directeur du réseau Adecco Experts. Job-dating, outils d’autoévaluation des compétences et de la personnalité, video training, les candidats sont accompagnés tout au long du processus de sélection. »
Les seniors (45 ans et plus) représentent, quant à eux, environ 12 % de la population intérimaire, selon une enquête du Crédoc de février 2007, réalisant une progression plus forte que celle de l’intérim. « Quand ils ont affaire directement aux recruteurs, c’est plus difficile pour eux, remarque Sébastien Archi. Le fait de passer par une agence d’intérim, dont le processus de sélection est reconnu par l’employeur, leur facilite l’accès à l’emploi. »
Si vous êtes ET cadre ET senior, sachez qu’il existe QuinCadres, une agence doublement spécialisée puisqu’elle s’adresse aux cadres seniors !
La nouvelle donne du recrutement
Si les 200 agences Creyf’s de France ont changé de nom en 2008 pour devenir Start People Agences d’emploi, ce n’est pas un hasard. Depuis janvier 2005, grâce à la loi de cohésion sociale, les entreprises de travail temporaire ont la possibilité de faire du recrutement (CDI ou CDD) et du placement (accompagnement des demandeurs d’emploi en coopération avec le service public à l’emploi, Unedic et Anpe). En 2007, plus de 40 000 missions ont débouché sur une embauche, contre 26 500 en 2006, et 8 500 en 2005. Avec cette évolution, les 6 450 agences d’intérim réparties sur l’ensemble du territoire deviennent des opérateurs globaux de l’emploi. « Nous avons créé 20 cellules exclusivement dédiées au recrutement, chacune d’elles chapeaute dix agences pour les aider dans le processus, explique Céline Baumann, directrice marketing et communication de Start People. 80 % des recrutements que nous avons réalisés ont été faits pour des entreprises qui comptaient entre 20 et 100 salariés. Ce sont souvent des PME qui n’ont pas de service RH et qui externalisent leur recrutement en faisant appel à nous. » La concurrence avec les cabinets de recrutement ? « Nous comblons plutôt un vide, les cabinets de recrutement se réservant aux cadres, remarque Céline Baumann. De plus, grâce à notre réseau d’agences, nous couvrons aussi les plus petites villes. Quand nous recrutons un chef de chantier à Cholet, très clairement nous ne sommes pas sur le même terrain.» Christophe Catoir, lui, constate que « le recrutement en CDI s’ouvre aussi aux ouvriers qualifiés et aux employés, une tendance que l’on a commencé à percevoir en 2006 et qui a explosé en 2007 ». Le plus grand nombre de recrutements chez Adecco : les agents de production, puis les commerciaux et les assistants administratifs. Pour autant, le mouvement en est à ses débuts. « Les trois quarts des intérimaires recherchent un CDI, alors que ce type de contrat ne représente encore que 5 % de nos offres au niveau du groupe », tempère Christophe Catoir.
Boulanger, infirmière, infographiste… à chacun son agence
BTP, restauration, médical, secrétariat, aujourd’hui rares sont les secteurs qui ne font pas appel à l’intérim. Si les généralistes comme Adecco (et sa filiale Adia), Manpower et Vedior Bis représentent, à elles seules, les 2/3 du marché du l’intérim, il existe pléthore d’agences spécialisées sur des niches d’activité ou des régions. Citons, par exemple, Interimco pour la boulangerie-pâtisserie, Riverchelles pour le commerce international, Expectra pour l’informatique et l’ingénierie, ARS pour l’aéronautique, Minerve pour le secteur tertiaire, ou encore Quick Medical Service, Equipe BTP, Archibat dont les noms sont plus explicites. A l’image de Conti Service en PACA ou d’ITS à Lyon, certaines entreprises de travail temporaire misent sur leur implantation géographique. La liste est loin d’être exhaustive, d’autant que les agences généralistes ont toutes leurs branches spécialisées.
Et ne vous dites pas que votre profil est trop particulier : même les plus atypiques peuvent trouver leur bonheur. Scarus Interim, par exemple, est une agence du Val d'Oise spécialisée en cordistes, scaphandriers et plongeurs pour le BTP !
